Dispensaire de Hurlevent
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Derrière le masque.

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Message par Margarethe d'Alun Ven 26 Mai - 12:15

Elle se l’était pourtant promis avant de prendre en charge le Dispensaire.

Implication et neutralité, fermeté et bienveillance, elle devait se composer un masque simple et assuré, celui du Médecin-Chef qu’elle avait appris à être au prix de sacrifices qu’elle devait assumer et taire.

Un rôle à sa mesure, elle le savait. Il ne lui suffisait que d’être elle même,  celle qui, au fil des ans et des expériences, avait acquis une solide connaissance de l’âme des êtres, une inébranlable foi en la vie et une joyeuse force de caractère que beaucoup lui enviaient.

Mais ce masque avait un prix, dont elle n’avait pas totalement mesuré l’importance en débarquant des Iles Brisées en ce petit matin d’un printemps qui peinait à s’épanouir.

Très vite, bien plus vite qu’elle ne l’avait imaginé en acceptant sa mission, il avait commencé à se fissurer, sans qu’elle n’y puisse rien faire.

Cela avait commencé par ces petites altercations ou agacements liés aux personnes qui venaient l’empêcher de faire correctement son travail. Elle le savait pourtant, elle devait taire cette assurance qui risquait vite de passer pour du mépris, ou de la suffisance, à tort. Elle avait donc dû se morigéner, plutôt deux fois qu’une, afin de contenir ses paroles et ses gestes et laisser l’autre en face s’exprimer et finalement se calmer de lui même. L’art de la communication non violente, appliqué au monde militaire, voilà qui forgeait le caractère.

Puis il y avait eu cet éclat de colère contre Sonelya. De la pure inquiétude, quasi maternelle, mais elle n’avait su que la sermonner, ce qui ne lui ressemblait pas. Aider l'autre pouvait être inscrit en soi, il ne fallait pourtant pas que cela devienne trop envahissant.

Et enfin ce jeune homme qu’elle avait conquis, sans l’avoir voulu, en étant simplement elle-même, dans une danse, une conversation, une promenade.  Elle aurait dû très vite l’empêcher d’espérer plus que ce qu’elle était capable de lui offrir, mais elle l’avait laissé s’emballer, tout seul, sans rien faire ou dire pour l’encourager, mais sans non plus rien faire pour le mettre en garde. Il avait donc fallu lui expliquer, en toute franchise, qu’il se trompait. Au risque de le blesser, bien sûr, mais avec une bienveillance et une attention sincères qui avaient, là encore, fissuré un peu plus le masque.

Tout était question de dosage. Réussir à être soi-même, sans pour autant trop se dévoiler. L’exercice n’était pas simple, mais c’était un passage obligé.
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Message par Margarethe d'Alun Sam 3 Juin - 14:19

“Marge.. Que se passe-t-il.. Ma chère amie.. Tu étais si  belle et virevoltante en arrivant tout à l’heure, et tu es tellement ravissante, élégante … que t’arrive-t-il tout à coup ?”

Marge pleurait et elle ne s’avait pas s’arrêter, malgré les convives aux tables proches, malgré le soleil qui brillait au dessus de la tonnelle, malgré sa joie de vivre du matin, malgré l’assurance qu’elle avait en arrivant, élégamment vêtue d’une veste rose pâle qui la mettait en valeur, malgré l’attention de sa meilleure amie,  malgré… ou peut-être, justement, à cause de cette attention.

Amelie Villenbrun, l’amie d’enfance de Margarethe d’Alun savait tout d’elle, absolument tout, celui à qui  elle avait été promise quinze ans plus tôt, la vie qu’elle avait abandonnée pour vivre toutes ses folies, ses amants d’un soir et ceux qu’elle avait follement aimés, ses erreurs, ses rêves, ses malheurs, ses réussites, tout, absolument tout d’elle, et c’est ce qui la rendait si précieuse. C’était ce qui rendait son regard si pointu, si nécessaire, et parfois si douloureux.

“Je crois que je fais fausse route, encore une fois. Je vais me perdre, je le sens, à vouloir trouver l’amour dans ce monde. Comme si je n'avais pas eu assez mal, me voilà à espérer de nouveau. Je me trouve pathétique Amelie, si tu savais. Je suis pathétique, c’est un fait”.

Margarethe hochait vivement la tête, secouant ses boucles rousses qui virevoltaient au rythme du vent frais qui traversait la tonnelle. Amelie lui avait pris les mains, faisant fi des convenances.
“Pourquoi ? Parce que tu es arrivée en me disant que tu t’étais habillée avec l’idée que peut-être tu pourrais  rencontrer ici le prince charmant ?”

Marge avait retrouvé le sourire, un petit sourire triste qui ne pouvait cacher les larmes.
“Non.. enfin si, mais non. Plutôt le fait que je me mentes à moi-même. Amelie… Je passe le plus clair de mon temps sur Hurlevent, il ne sert à rien de m’habiller pour venir te voir. Je ne suis même pas certaine de pouvoir même accorder un regard à un éventuel prince charmant, quand bien même je le croiserais dans cet environnement. C’est cela qui est pathétique, vraiment. A mon âge.. Je suis incorrigible…”.

Amelie lui serra doucement les mains avant de se redresser,  charmante sur la petite chaise en fer forgé  de la taverne au bord de l’eau.
“Raconte moi, que se passe-t-il ? Tu t’es encore entichée d’un autre Dustin ? C’est cela ?”.

La jeune femme la regardait avec bienveillance, émue par la tristesse de son amie mais tâchant de n’en rien montrer, essayant d’être suffisamment attentive pour la laisser s’exprimer mais sans non plus être intrusive. Dans une écoute active comme seuls peuvent le faire les véritables amies.

“Je ne sais pas… C’est possible, oui, et c’est peine perdue, c’est certain. Mais ce qui me rend triste est bien pire que ça. J’ai le sentiment que je ne saurais plus jamais vivre en dehors de cette fichue cité. Je me sens comme une droguée, Amelie, droguée aux rêves, droguée à la fiction romanesque, droguée .. à cette enfance qui m’habite et que je ne veux pas quitter.. A mon âge encore une fois… c’est pathétique, vraiment.”

Devant son amie, plus de masque, Margarethe n’avait rien à cacher. Elle était transparente et totalement vraie.

“Et Dustin était comme toi, capable de vivre ici et là-bas, un enfant à jamais, et c’est ce qui vous réunissait, malgré toutes vos différences…. Je comprends, Marge, je comprends, je t’assure. Je n’ai pas compris ce qui t’avait pris à l’époque, je n’ai surtout pas admis de te voir tout détruire….  mais je t’assure que depuis lors, pour vous avoir vus ensemble et tellement beaux dans votre folie, pour t’avoir vue évoluer, toi, et embellir, rajeunir, même, je comprends”.

Marge essuya ses larmes de son mouchoir brodé et prit une gorgée d’eau fraîche  afin de reprendre contenance. Amelie la regardait toujours avec bienveillance.
“Mais.. si tu devais décrire ce qui te définit, à quelqu’un qui ne serait pas d’ici, qui ne connaîtrait pas cette cité, quelqu’un de… banal, comme moi tiens… quelqu’un simplement désireux de vivre sa vie, ici, comme tout le monde. Que lui dirais-tu ?”

“Que lui dirais-je.. ”. Margarethe mit un certain temps avant de répondre. Comment expliquer l’inexplicable. Comment donner à sentir la beauté d’un monde rêvé, la force des émotions sans cesse re-visitées, la puissance de la fiction, la jouissance de se sentir renaître chaque jour. Puis elle parla d’histoires, de rêves, d’enfance éternelle, de curiosité, d’apprentissages, de découvertes, de folie, de rires et de pleurs, de vie magnifiée par sa création perpétuelle.

Plus Amélie écoutait et plus elle souriait, Margarethe se tut enfin, déconcertée.
“Tu me penses folle, c’est cela ?”
“Nullement ! Bien au contraire ! Mais, Margarethe, ce que tu me décris là, est très simple à comprendre”.
“Vraiment ?”
“Bien sur ! Toi qui me connait, toi qui sait ma passion et les difficultés que j’ai à en vivre, comment ne vois-tu pas que que tu me parles tout simplement d’Art, Margarethe. Tu es, tout comme moi,  une artiste qui fait de sa vie une superbe oeuvre d’art et c’est ce que tu ne cesses de remettre sur le métier… ton oeuvre. Une incroyable et resplendissante oeuvre d’art, ta vie”
.

Le médecin-chef observait son amie, couverts en l’air, arrêtée dans sa mastication, perplexe.
“Une oeuvre d’art… l’image me plaît, c’est indéniable. Mais.. cela ne résout pas mon problème, Amelie. Je recommence à souffrir et je ne crois pas qu’il soit gravé dans le marbre que l’artiste ait à souffrir pour créer. Je créais tout autant, et même mille fois plus, lorsque Dustin était encore dans ma vie et même s’il y avait une folie certaine à sans cesse vouloir renaître, nous vivions dans un mélange de douleurs et de joies qui nous rendaient vivants, incroyablement vivants. Là.. je me sens mourir, j’en deviens folle”.

Amelie passa la main par dessus les assiettes à moitié vides et prit celle de son amie avec tendresse.
“Ce que je cherche à te dire, Margarethe, c’est que ce sentiment, cette quête qui est la tienne, moi qui suis musicienne, je la comprends et je la vis, dans mon monde. Je vis mes rêves dans un autre environnement, fait de nuits blanches et de petits matins électriques, d’instruments de musique entrés dans une carriole brinquebalante, de musiciens fous et de chanteurs illuminés, de portées et de cordes, de paroles et de chansons, de rires et de pleurs, de rêves et de déceptions, et je recrée ma vie, tout comme toi, jour après jour, au milieu de personnes qui me ressemblent et que je fréquente quotidiennement, avec un plaisir fou. Et tu pourrais en faire de même, si tu le souhaitais”.

Margarethe secouait la tête, le visage froncé.
“Je ne comprends pas, que cherches tu à me dire ? Que je dois tout abandonner ? reprendre le chemin abandonné il y a maintenant plus de dix ans ? retrouver ce que certains appellent “la vraie vie” sans savoir qu’ils y dorment et meurent sans avoir rien vu de ce que peut être cette vraie vie ? que je me… range à nouveau ? Que je cesse de rêver ? C’est cela ?”.

Tout en faisant signe au serveur de venir débarrasser Amélie adressa un sourire mutin à son amie.
“Non.. bien sûr que non, loin de moi une telle idée. Je suis bien certaine d’ailleurs que tu en serais incapable, Marge, ceci dit sans vouloir t’offenser. Car le pli est pris, je le crains. Te ne pourras pas ainsi effacer dix ans de ta vie. Il te faut un saltimbanque, Marge, tout comme toi. Ton prince charmant, quel qu’il puisse être et où qu’il soit, doit être un saltimbanque aussi fou que toi de la vie. C’est aussi simple que ça”.

“Un saltimbanque … “. Margarethe pliait et repliait sa serviette, dans un geste machinal qui trahissait son envol cérébral. Elle réfléchissait, revivait, rêvait dans un silence qu’Amélie respectait, attendant simplement que son amie revienne à elle.

Enfin Margarethe releva le nez.  “Tu as raison, Dustin était un saltimbanque .. Dustin est toujours un saltimbanque … C’est ce qui nous a rapprochés et c’est ce qui nous réunira à jamais, quand bien même nos routes sont désormais séparées. Oui..  C’est vrai.. “. Elle lui adressa un sourire sincère, un peu de joie retrouvée. “ J’ai toujours rêvé de faire le tour du monde dans une vieille roulotte fatiguée, peinte aux couleurs de l’arc en ciel..  J’aimerais tellement partir à la découverte du monde, quel que puisse être ce monde, avec un saltimbanque aussi fou de la vie que moi, découvrir, apprendre, rêver, renaître, à deux, encore et encore… oui.. tu as raison, Amelie… je rêve d’un saltimbanque… depuis toujours”.
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Message par Margarethe d'Alun Lun 5 Juin - 11:35

Il s'était passé quelque chose d'étrange au cours de cette lamentable affaire. Étrange mais formidablement intéressant.

Car tout cela avait permis de révéler beaucoup de vérités. Comme si d'avoir été soi même un très court instant -car que valaient une centaine de minutes au regard d'une vie entière -, d'avoir simplement réagi de façon "vraie" à une manifeste volonté de nuire -car qu'était ce donc que l'abus de pouvoir caractérisé sinon de la manipulation pure et simple pour détruire ce qui dérange -, d'avoir simplement pointé par leur attitude les incohérences d'un système, tout cela avait permis de faire émerger le dessous des masques.

Étrange donc que cela lui arrive justement à ce moment précis de sa vie, alors qu'elle accédait à une forme de vérité intrinsèque personnelle.

Les différentes visites reçues la veille, les nouvelles qui lui étaient parvenues et surtout les intentions lues dans les regards de ceux qu'elle avait croisés au cours de la soirée, tout cela était véritablement étrange.

S'il y avait une seule vérité à retenir de tout cela c'était que de ces instants de vie passés dans cette cité, il ne fallait surtout prendre et retenir que le beau, le "vrai", s'en nourrir et s'en délecter, et effacer très vite le reste de sa mémoire.

Et ce beau se résumait en un seul terme, comme toujours finalement, un terme qui la poursuivait depuis tellement longtemps, un terme qui l'avait amenée précisément là où elle se trouvait maintenant, non pas accrochée par les fers aux murs d'une cellule crasseuse, au fond d'une caserne insipide, mais là, dans sa vie, précisément sur ce croisement improbable entre deux routes éternelles, entre vie et mort de l'âme, ce croisement que seuls les indociles, les rebelles, les fous de la vie, les hyper sensibles, les écorchés vifs de l'âme, les purs et les simples,  pouvaient percevoir : la vie éveillée.

Non pas la vie bien rangée des soumis et des vivants endormis, mais la vie creative, sensible et belle des justes. Celle justement après laquelle couraient les saltimbanques, la vie au présent et toute son intensité.

Alors, bien sûr, il y avait eu, et il y aurait encore, des mensonges, des menaces et des rumeurs, des paroles désobligeantes et des gestes incompréhensibles, des douleurs, des doutes et des craintes, mais tout cela n'avait guère d'importance au regard de ce qu'elle venait de comprendre : elle était enfin sur son chemin et elle n'était pas seule.

Autour d'elle s'était constitué un noyau de personnes qui la reconnaissaient comme une des leurs et la respectaient pour cette raison là, des êtres sensibles et bons qui n'espéraient comme elle qu'une seule chose de cette cité : pouvoir, le temps d'une soirée passée à guérir les bleus de l'âme et du corps, vivre enfin éveillé.

Et cette vérité la valait bien quelques heures passées au fond d'un cachot.
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Message par Margarethe d'Alun Mer 7 Juin - 16:49

"Alors... comment vas tu ?". Amélie souriait en regardant son amie tandis que les clients de la petite taverne se dispersaient,  leur déjeuner terminé. "Mieux il me semble, non ? Je te trouve meilleure mine”.

Le serveur apporta les cafés commandés et s'éclipsa, un regard appuyé sur Margarethe qui n’en vit rien.

"Ça va... j'ai reçu des nouvelles de Dustin ce matin  ... il se prépare... bientôt la fin d'un parcours, et le début d'un autre. Il est sous pression, je le sens."

“Des nouvelles récentes.. Donc vous n'êtes plus fâchés ?”.
"Oh non... depuis..."
. Margarethe s'empourprait.
"Depuis ?”

Margarethe toussota légèrement, défaisant doucement le papier qui enrobait la petite mignardise qui accompagnait le café.
"Oh... et bien.. je ne te l'ai pas dit, mais…hum.. et bien.. je l'ai revu.. deux fois ... deux nuits…"

Amelie sursauta sur sa chaise, surprise et même outrée de n’en rien savoir.
"Comment ça deux nuits ? Mais... quand ? Comment ça ? Et où ? Et vous avez... ?"

Margarethe s’amusa de ses questions d'un petit rire triste.
"Parce que tu crois vraiment que nous aurions pu nous revoir sans... ".

Les deux amies rirent franchement, dans un bel éclat de voix qui fit se retourner quelques clients.

Mais Margarethe avait du mal à ne pas pleurer, encore émue de ces retrouvailles inattendues.
“C’était il y a un mois et demi, presque deux, par deux fois nous nous sommes revus. La première fois nous nous sommes rencontrés par hasard, nous avons pris un verre,  puis diné et il m’a ramenée chez moi. La seconde fois je l’ai invité, quelques jours plus tard, et il n’a pas su me le refuser. Deux soirées, deux nuits, merveilleuses,  intenses, inimaginables. Certainement la dernière fois que nous nous sommes aimés, mais de très belle façon…  et cela m'a permis de tourner la page”.

Amelie observait son amie, perplexe mais attendrie.
“Mais… tu ne lui en voulais plus ? Il t’a trompée tout de même”.

Margarethe secouait la tête, un sourire doux sur le visage.
“Tu me connais..… je l’ai suffisamment aimé pour détruire tout ce qu’était ma vie, je ne pouvais pas cesser pour une coucherie d’un soir…  et je savais pertinemment pourquoi il avait agi de la sorte.  Sans cette coucherie, jamais je ne l’aurais laissé partir. Il avait raison, il valait mieux qu'il me quitte, il en avait besoin. Pour pouvoir renaître. D’ailleurs, c’est après ces deux nuits là qu'il a pu m'écrire avec sincérité et dire les difficultés qu'il avait eues face à moi pour tenter d’être lui même”.

"Donc tu penses qu'il a bien fait, que cette rupture est une bonne chose ?"

Margarethe prit le temps de la réflexion puis hocha tout doucement la tête. "Oui... je ne sais pas où je vais… je suis même assez perplexe quant à mon avenir, et  je ne suis absolument pas certaine de retrouver un jour une telle complicité, aussi complète, celle des corps et de l'âme... mais oui, je le sais maintenant, il le fallait. Il nous a sauvés de l’enlisement. Il a sauvé notre histoire, et notre amour, aussi curieux que cela puisse paraître. Lui parler me fait encore mal mais il restera à jamais celui qui m'a réveillée du long sommeil dans lequel je mourais. Et je resterai à jamais celle qui lui a permis de naître à lui même. C'est un socle qui nous unit, par delà le quotidien, quoi qu'il advienne de nous".

Le serveur vint donner l'addition et ramassa la monnaie, essayant de capter leur attention, toujours sans succès.

"Votre histoire est incroyable, tu sais. Tu devrais en faire un roman".

Margarethe s’illumina d’un rire plus joyeux. "Figures toi que je m'étais fait la même réflexion, il y a quelques temps. Mais il me fallait tourner la page et prendre du recul pour m'y mettre. Il se pourrait que  ce moment soit arrivé, d’autant que j’ai retrouvé le goût d’écrire avec… enfin, tu sais. Celui que j’avais rencontré... là-bas”. Margarethe soupira en attrapant sa veste. “Quand je pense que je suis allée tout lui raconter, pas étonnant qu’il ait fui en courant”.


Lorsque les deux femmes quittèrent le petit restaurant de quartier, chacune s'apprêtant à repartir de son côté, Amélie rattrapa son amie par le bras. "Au fait et celui dont tu ne m'as rien dit la dernière fois, est ce que... ?".

Margarethe secoua la tête, vaguement souriante. "Je ne saurais pas te dire... J’aimerais, bien sûr, mais rien ne semble possible, a priori... Et puis maintenant je me méfie de moi et de cette fichue manie de vouloir être vraie en toutes occasions. Par contre sa présence me fait énormément de bien. C'est déjà ça".

"C'est déjà ça, oui". Amélie l'embrassa avec douceur. "Ne te laisse pas trop à espérer dans le vide, Margarethe, surtout là bas. Tu sais comme moi combien on peut se perdre ainsi".

"Bah... c'est le présent qui compte. Et le présent est doux grâce à lui, alors…”.
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Message par Margarethe d'Alun Sam 10 Juin - 12:25

Ils sont l'un en face de l'autre, ils se cherchent, se jaugent, se blessent de ne pas savoir être simplement eux mêmes.

Elle avec l'espoir qu'il cesse de la fuir, le désir de le toucher, peut-être même de l'apprivoiser, lui avec la crainte de se dire, la peur de s'abandonner, peut être même de se perdre.

Ressemble t'il à Dustin ? Non c'est un autre, un cadet. Mais il en a vaguement l'âge, la fougue, l'intelligence, la sensibilité, la violence contenue, la peur de se dire aussi. Celui-ci est terrorisé à l'idée de se dévoiler, face à elle, il en devient blessant. Elle ne comprend pas.

Il se prépare pour un voyage, il va partir, la laisser, son regard est un peu fou, il hésite, il semble savoir ce qu'elle attend mais il ne peut se résoudre à le lui donner.

Elle se sent  fatiguée, rêve d'un moment de tendresse partagée, un moment d'abandon, elle n'ose se l'avouer mais elle a ce désir qui grandit en elle de s'abandonner dans ses bras, cela commence à la travailler.

"Vous avez l'air fatiguée... ". Il s'approche un peu. Il la vouvoie, il y a donc une barrière invisible entre eux. Celle des règles de l'école des cadets, probablement.

Elle est assise, et lui debout, il hésite, s'approche, il arrive à sa portée, la main de la femme échappe à sa volonté, elle effleure son visage et lui caresse le cou. Il sursaute, se dérobe, elle en est mortifiée, elle blêmit, ramène sa main, honteuse.

Excusez-moi..."

Elle le vouvoie aussi. Étrange. Elle n'a jamais vouvoyé ses étudiants.

Il la regarde, comprend qu'il vient de la blesser, il ne  voulait pas, lui aussi n'a pas su s'en empêcher... il hésite à nouveau puis semble se jeter à l'eau, il s'accroupit, juste à côté d'elle, il lui montre quelque chose sur sa chemise, un écusson, une broderie, peu importe , cela l'oblige à se pencher vers lui, leurs visages sont tout près l'un de l'autre...

..............

Une  décharge de désir lui  traverse la nuque, elle sursaute, reprend contact avec le réel. il fait sombre, elle est allongée sous la couette, elle s’étire pour profiter un peu plus de cette sensation agréable, elle a rêvé.

Quel rêve étrange...

Pourquoi ce visage ?
Pourquoi ce regard ?
Pourquoi ce jeune homme ?

C'est l'un de ses cadets en formation. Ceux de la dernière année. Comment s'appelait-il.. Thomas ? Théo ? Sebastien ? Quelle importance... ce n'est pas lui mais probablement ce qu'il représente.

Mais pourquoi lui, c'était un cadet parmi les cadets. Et elle, l’un de leurs instructeurs. Ils l’appréciaient, souvent plus que les autres, mais elle était respectée, le statut, l'âge, l'expérience, tout cela doit être respecté. Même si elle était traitée comme une égale,  appréciée, écoutée, tutoyée même parfois, quand cela leur échappait. Mais rien ne pouvait exister d'autre entre eux que cette relation impersonnelle et bienveillante du maître et de l'élève.

Celui ci, elle s’en souvient, aimait le sport, qui lui permettait sans doute d’épuiser son énergie. Il parlait de sa compagne, de son apprentissage dans un service de communication, de ses difficultés à suivre les règles de l'école et de sa rage à voir comment le système les traitait. Il y avait en lui cette folie des agités qui peinent à se contrôler. Mais elle savait lui parler, l’écouter et l'amener vers son meilleur. Avec lui elle avait mené sa mission à bien. Malgré sa rage, sincère et douloureuse, elle avait su le mettre en confiance, suffisamment pour qu’il évolue.

Voilà sans doute la raison de sa présence dans le rêve. Même si, pour celui-ci, il n’y avait aucune intention hormis celle de l’apprivoiser pour l’aider à grandir. Pour ce cadet, il n’y avait aucun désir.

Par contre,  dans le rêve, là, de toute évidence, il y en avait.
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Message par Margarethe d'Alun Jeu 15 Juin - 15:31

“Comment vas-tu ? Tu as de nouveau petite mine…”.

Les deux amies s’étaient retrouvées pour leur traditionnel déjeuner de la semaine et Amelie ne pouvait détacher son regard de celui de Margarethe, teinté d’une tristesse qu’elle ne pouvait cacher.

“J’ai reçu un message de Dustin, ce matin. Il a passé le cap, il ne pourra plus revenir en arrière. Il se dit très heureux, bien que très éprouvé émotionnellement, et physiquement bien sûr”.

Amelie l’écoutait, lisant la carte d’un oeil distrait.

“J’attendais de ses nouvelles.. c’est normal que je m’inquiète un peu.  Et là il me dit vouloir partager son bonheur avec moi, car je l’ai accompagné tout ce temps….”.

Dégageant ses cheveux des deux mains pour se donner contenance, Margarethe fit glisser son écharpe et dans sa précipitation pour la ramasser fit tomber la seconde carte laissée par le serveur.

“C’est bien le moins qu’il puisse faire, je suppose. Et je pense qu’il est sincèrement désireux de partager ce moment crucial avec moi, même de loin. Après tout peu d’hommes se font tatouer le prénom de celle qu’ils aiment sur l’avant-bras… Mais cela m’a rendue triste à un point que je n’aurais pas imaginé…”.

Amelie hocha plusieurs fois la tête, elle comprenait. Margarethe se redressa, posa la carte sur la table sans même y jeter un oeil et tâcha de continuer la conversation comme si de rien n’était.

“D’ailleurs.. cela me fait penser que j’ai parlé de confiance et d’échange, hier soir”.

“Echange…”. Amelie hoqueta. ”.. de pouvoirs ?”.

Margarethe esquissa un semblant de sourire triste et muet qui s’arrêta dans sa gorge avant de finir en sanglots.
“Non, bien sûr que non. Je ne suis pas à ce point nostalgique pour aller ainsi parler de ma vie privée, fut-elle passée”.

“Mmh.. .”. Amelie la jaugeait. “ Pas nostalgique à ce point .. Permets moi d’en douter, Marge. Tu ne vois pas ta tête en ce moment… “.

D’un geste de la main un peu sec Margarethe tenta d’effacer toute idée de mélancolie.
“Tu sais parfaitement que tout cela n’était qu’un jeu entre nous, sans cesse remanié au gré de nos envies, et je…”.

Incapable d’aller plus loin dans la maîtrise d’elle-même Margarethe d’Alun laissa se briser en elle les écluses de la raison. Des larmes d’un chagrin intense et réel dévastèrent son visage, charriant d’innombrables perles de regret.

“Oh.. Marge..”. Amelia passa la main par dessus la table pour prendre avec douceur celle de son amie. “Je ne voulais pas… “.

Margarethe secoua la tête, ravalant tant bien que mal ses larmes.

“Notre désir d’aimer est parfois bien dérisoire, tu ne trouves pas ?”.
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Message par Margarethe d'Alun Mar 27 Juin - 13:16


"Mais.... attends... j'ai peur de comprendre....". Amélie regardait son amie le visage emprunt d'une surprise désolée.

"Non, tu as parfaitement compris et tu sais aussi  que j'en suis parfaitement capable.  Ce ne serait pas la première fois et peut-être enfin la dernière." Margarethe avait les traits tirés de ceux qui ont trop peu et très mal dormi, le regard dur et froid, la mine sombre des mauvais jours. Le vide qui s'était fait en elle attirait toute étincelle de vie dans un puits sans fond.

"Marge... n'agis pas sur un coup de tête, tu sais bien que cela te desservira, au fond. Il y a bien quelque chose ou quelqu'un qui pourrait te retenir la bas, t'empêcher de tout détruire ? ".

Le médecin planta son regard tout à la fois vide et brûlant sur sa meilleure amie. "Et pour en attendre quoi ? Espérer quoi ? Vivre quoi ? Tu peux me le dire ?".

La pauvre Amélie peinait à ne pas sombrer à son tour dans le désespoir palpable de son amie.

"Mais... Tu m'as bien parlé d'une personne dont la présence te faisait du bien. Pourquoi ne pas te focaliser la dessus ?"

Le visage de Margarethe se décomposa d'un seul coup, déchirant le voile de dureté dans une mise à nu violente d'émotions trop longtemps contenues.

"Je... je l'ai blessé... à trop vouloir l'atteindre.. et je crois que je dois.. cesser de...". Le barrage céda et un flot de larmes inonda son visage, emportant avec lui toute trace de dureté. Une détresse palpable émergea du puits sans fond. "Je suis fatiguée Amélie, fatiguée de me battre contre la connerie ambiante, fatiguée de me cogner à  cette méchanceté crasse qui anime tous ces gens, fatiguée de croire à l'amour, à la bonté, à la vie même. Je commence à penser que rien de bon ne peut m'arriver la bas".

"Mais ... Dustin justement.."

Margarethe émit un tout petit rire triste. "Justement comme tu dis... ce n'est pas pour rien que nous avons passé toutes ces années seuls au milieu du monde. C'était une illusion de croire que c'était le monde qui nous portait. Ce n'était qu'une toile, une trame où nous avons pu tisser toutes nos histoires inventées, tous nos fantasmes et nos rêves. C'est un cadre pour s'exprimer, rien de plus que cela. S'il n'y a pas un autre en face pour partager ce que tu es, ce monde n'existe pas en lui même, c'est un leurre, sans vérité, sans âme, on s'y perd, j'en fais chaque jour l'amère expérience. J'y ai rencontré Dustin, oui, mais cela tient du miracle et c'est un leurre de croire que l'histoire peut se répéter."

Dans un soupir désolé Amélie détourna le regard. Qu'elle soit vibrante de joie ou de tristesse, il était impossible de résister à l'impact des émotions exprimées par Margarethe. Autant sa joie pouvait redonner vie au plus désespéré des hommes, autant sa détresse aurait pu éteindre un feu de joie.

"Que comptes tu faire alors ?"

Le visage du médecin avait retrouvé l'apparence neutre et morne des vivants endormis, le masque avait repris sa place.
"Je ne sais pas. Sans doute rien. Laisser la situation mourir d'elle même. Passer à autre chose, écrire, vraiment. J'ai entamé un roman, une fiction, cela prend tournure, peu à peu. Il faudrait maintenant que je me concentre dessus, bien plus que je ne le fais, et il est sans doute temps que je me mette au travail. Depuis le temps que j'en parle, il me fallait peut être vivre tout ça pour m'obliger moi même. Qui sait."

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Message par Margarethe d'Alun Ven 30 Juin - 10:17



“… d’autant que je ne suis absolument pas rancunière. Mais là, quelque chose a cassé, et je ne crois pas que cela puisse se réparer”.

En quittant Andrew la veille, épuisée, lasse, elle ne désirait qu’une seule chose, oublier, tout, tous, partout, ici et là bas, en elle et hors d’elle, les uns et les autres, dormir pour tout oublier, tout, absolument tout.

Elle le savait, d’expérience, il n’y avait que cette seule alternative, lorsque la passion manquait à l’appel, une alternative bien plus efficace que le rire qui n’empêchait pas au fond de soi la gangrène d’agir malgré tout, en sourdine, ce qui était peut-être pire. Bien sûr la passion, elle, aurait tout balayé d’un revers de folie salvatrice, mais cet épisode avait comme marqué d’une pierre noire ses attentes en la matière.

L’absence de rancune était-elle une preuve de force, ou de faiblesse. Pour la toute première fois de sa vie, elle se questionna et se pris à douter. Et si c’était une preuve de faiblesse ?

Comme d’habitude, rien n’arrivait par hasard, sa confiance avait été trahie dans les deux mondes en même temps, ou du moins l’avait-elle compris au même moment. C’était peut-être justement parce que le voile se déchirait d’un côté qu’il pouvait se déchirer de l’autre. Une sorte de faille spatio-temporelle, qui l’obligeait à regarder la vérité en face. “Vivre ici permet d’apprendre sur soi” combien de fois l’avait-elle répété à Dustin. Il y aurait eu de quoi en rire, si ce n’était pas triste à pleurer.

On la trompait d’un côté, doublement même, et elle s’apercevait de l’autre que Dustin faisait des gnomographies de lui et de sa nouvelle compagne qu’il exhibait aux yeux de tous, tout en continuant de donner l’air, par message, qu’il se préoccupait de sa vie, de ses activités, d’elle.

Oh, il ne trichait pas, dans ses messages, elle le savait sincère, et vrai, toujours, tout au fond de lui-même, mais il n’y était plus, plus  vraiment. Il avait repris le masque, ce fameux masque, avec elle, mais certainement aussi avec cette femme, bien plus jeune qu’elle, mais endormie, comme tous, partout. Avec cette femme qui souriait sur les gnomos il s’était rendormi, par facilité, sans s’en rendre compte, croyant même être éveillé comme jamais, sans doute pas pour toujours, mais elle ne serait plus là à son réveil, c’était chose entendue désormais. Quand bien même il se réveillerait dans les semaines à venir, quelque chose avait cassé, qui ne pourrait plus être réparé.

L’absence de rancune avait-elle un impact sur la confiance. Pouvait-on rétablir une confiance trahie ? Là encore elle ne s’était jamais interrogée auparavant, sans doute parce que la question n’avait pas eu lieu d’être posée. La passion, comme toujours, avait eu raison des questions.

Mais ce soir là, pour la première fois de sa vie, elle se rendit compte que l’absence de rancune n’avait aucun impact sur la confiance trahie. Une confiance trahie restait cassée à jamais. L’absence de rancune empêchait simplement de souffrir ad libitum, de s’énerver inutilement, de faire du mal, aux autres et à soi-même.

L’absence de rancune était donc une vraie force vitale, mais elle faisait partie intégrante du masque.

Il fallait donc prendre garde à ce que cela n’atténue pas la force de vie, le désir de vivre éveillé. Et pour cela, sans doute, prendre du recul, avec la vie, où qu’elle soit, avec les émotions actuelles, les attentes déçues qui peinaient à s’effacer, les désirs qui sommeillaient encore.

"... pour répondre à votre question ... l'homme que j'espère sera celui qui saura me supporter ... car je suis d'une exigence folle ... mais sur des points qui n'intéressent personne".

Remettre le masque en conscience et attendre celui qui aurait le désir, même profondément enfoui en lui, mais réel, de s'éveiller à son contact et de vivre éveillé au milieu des endormis, c’était donc la seule solution. Sans perdre espoir. Plus facile à dire qu’à faire, mais faisable, il fallait y croire.

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Message par Margarethe d'Alun Jeu 6 Juil - 13:04

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“Je ne peux accepter… j’en suis désolée mais c’est impossible, je ne dois pas accepter, c’est bien trop symbolique”.

Elle avait tendu sa main, restée ouverte sur la très jolie bague avec rubis, attendant qu’il la reprenne et la délivre de l’horrible nasse dans laquelle elle avait cru tomber en voyant le “petit cadeau” qu’il voulait lui faire.

Il ne savait pas, il voulait simplement lui rendre la pareille, avec le cadeau offert pour son anniversaire, il était ignorant de ces choses là, il était désolé, de l’avoir embarrassée, il ne lui en voulait pas, bien au contraire, il ne voyait dans son geste que le comportement encore plus admirable d’une vraie Dame qui ne jouait pas avec lui.

Après l’amère constatation du comportement odieux et rancunier d’un elfe délaissé par celle qui souhaitait vivre librement son choix professionnel, puis ce cadeau symbolique qu’elle avait dû refuser, et enfin le bouillonnement de rage et de vengeance de celui qui avait découvert dans la soirée le mal fait à sa compagne, tout cela ajouté à sa peine, qui ne cessait pas, de constater et comprendre enfin l’égoïsme de celui qu’elle avait tant aimé, Margarethe avait passé une partie de la nuit à s’interroger.

Qu’est ce qui faisait qu’un être de genre masculin devenait Homme face à elle. Curieuse question au demeurant, que probablement très peu de femmes se posaient. Mais cela l’habitait depuis si longtemps, peut-être depuis toujours, persuadée même parfois que là était sa mission de vie.

Elle croyait avoir trouvé la réponse, au cours des dernières années, mais elle doutait de sa justesse depuis quelques jours, à voir l’attitude désinvolte de Dustin.

Avec lui, beaucoup de découvertes étaient passées par le corps, le désir et le plaisir qu’il peut apporter, les expériences innombrables qu’il permet, pour peu que les histoires qui le mettent en scène soient variées et bienveillantes. Elle en avait acquis une liberté d’être que jamais elle n’aurait cru atteindre, et cela la rassurait encore lorsqu’elle constatait le champ de ruines qu’était sa vie personnelle.

Mais si être celui qui savait faire jouir une femme permettait indéniablement de grandir et d’être un Homme, cela ne suffisait pas, de toute évidence.

Etre en mesure de la protéger, en avoir des enfants, fonder une famille, s’en sentir digne, lui assurer un avenir et faire de toutes ces responsabilités domestiques son propre projet de vie, semblait bien être tout aussi important, sinon plus, que la jouissance des corps.

A moins que cela ne dépende de l’âge de l’homme, ou de sa maturité.

“Ce sera où vous voulez et quand vous voulez” avait murmuré l’homme en rouge. Celui-là était-il plus mûr que les autres pour faire ce genre de proposition, ou simplement plus blasé et déçu du genre féminin. Cherchait-il à grandir ou simplement tromper l’ennui. Toujours est-il que même si cela l’avait épatée, et amusée, cela n’avait suscité aucun écho en elle susceptible de la détourner de souvenirs récurrents et mélancoliques.

Là résidait peut-être une réelle différence entre féminin et masculin. Face à l’adversité de la vie, le masculin trouvait l’exutoire dans le plaisir et le corps tandis que le féminin se réfugiait dans l’émotion et l’esprit.

La question restait sans réponse et reprenait toute sa vigueur.

Mais n’était-ce pas là un signe qu’elle se remettait en marche. Possible… et salutaire si cela était.
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Message par Margarethe d'Alun Mer 19 Juil - 18:13


“Tu fais plaisir à voir, Marge. Te voilà redevenue toi-même, pleine de vie et de projets personnels”.


Le temps avait passé bien plus vite qu’à l’ordinaire, le déjeuner s’était éternisé et ni l’un ni l’autre ne l’avait perçu, le restaurant s’était vidé, le cuisinier sorti de son antre buvait un café avec le patron, la chaleur du dehors entrait par la porte restée ouverte et assommait les nouveaux clients venus pour simplement se rafraîchir.

Trois heures de conversation et pas un seul mot sur Dustin. Ce n’est qu’au moment de quitter son amie que Margarethe s’en était préoccupée, désireuse de faire passer l’information  : elle n’avait pas cherché à avoir de ses nouvelles et ne pensait pas donner des siennes de l’été, à moins qu’il en fasse la demande, ce dont elle doutait.

“Dans son dernier message il me parlait de son projet d’acheter une maison, alors que c’était le nôtre il y a tout juste un an. Ca m’a littéralement détruite, sur le moment. Comment ne voit-il pas la douleur qu’il m’inflige en reprenant ce projet commun pour le faire sien, seul, ou avec une autre, même s’il n’en parle jamais. Et c’est de discuter avec des personnes en qui j’ai confiance qui m’a ouvert les yeux. Je devais cesser de me préoccuper de lui, d’entendre ce qu’il ne dit pas, capter ses émotions sans même le vouloir, et pour cela je devais couper les ponts et cesser même de lire ses messages. Difficile, mais salutaire, la preuve”.

Amélie avait simplement acquiescé, son sourire aimant valant plus que toute parole.

Cinq mois. Il lui avait donc fallu un peu plus de cinq mois pour clore un chapitre de plus de six ans. Au final, elle pouvait être fière d’elle. Même si elle se savait dotée d’une capacité de résilience étonnante,  et donc capable de rebondir bien plus facilement que la moyenne, cette sortie de route avait été intense, destructrice, folle, en fait tout aussi passionnelle que l’histoire. Une fin logique en quelque sorte.

Restait maintenant à consolider ces nouveaux acquis afin de reconstruire autre chose.

L’adage selon lequel “ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort” avait été vérifié, encore une fois, et elle se sentait grandie, différente, prête pour une nouvelle histoire.

“Pense à toi d’abord Marge” avait tout de même rappelé Amélie “il faut que ce projet soit le tien, surtout le tien, et pas celui d’un autre.”

Margarethe avait acquiescé, d’un simple signe de tête et d’un sourire entendu.

C’était évident, vu de l’extérieur, bien sur, elle en était consciente. Mais impossible pour elle de ne pas rêver d’un projet à deux, cela aurait été comme de vouloir vivre dans une grotte en ermite. Un peu, pour méditer et envisager l’avenir, oui, pourquoi pas. Mais pour y finir sa vie, impossible.

Ou alors, si cela était, cela signifiait qu’elle avait toujours besoin de mûrir et même de changer, en profondeur, devenir encore une autre. Difficile à envisager, même pour elle.

Un philosophe avait émis l’hypothèse que ce qui permet de vivre et de grandir est la volonté intrinsèque d’aimer et d’être aimé, bien plus que la génétique, l’évolution ou toute autre théorie. Continuer à croire en l’Autre pour avancer n’était donc pas aussi fou qu’il y paraissait. Encore fallait-il le trouver. Mais la vie ne regorge-t-elle pas de merveilles, pour peu qu’on y prête attention.

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